Deco, Kids & co.
12 Septembre 2017
Bonjour à tous et bonne rentrée! (oui, c'est comme pour les voeux, on a le droit jusqu'à fin septembre)
J'espère que vos vacances vous furent profitables. Je vous propose une rentrée toute en douceur sur le blog, avec quelques revues littéraires de cet été.
Aujourd'hui, je vous présente quatre best sellers, tous écrits par des femmes.Trois coups de coeur et une déception. On y va?
Le chardonneret, Dona Tartt
Je commence et je triche : j’ai lu ce roman l’été dernier. Mais je l’ai tellement apprécié (c’est certainement ma meilleure lecture des cinq dernières années) que je ne voudrais pas encore rater une opportunité de vous en parler.
Pavé de 800 pages. Œuvre incroyablement contemporaine qui nous emmène dans l’Amérique post 2008 : un parcours initiatique depuis les appartements sombres et cossus de Park Avenue, les marchands d’art New yorkais jusqu'à l’ennui des faubourgs de Vegas.
C’est dense, prenant et précis. C’est un fabuleux roman à la Dickens, récit d’aventures et d’amitié autour d’un incroyable objet magique. Un roman sur le deuil et l’enfance. En deux mots : je conseille.
Loving Frank, Nancy Horan
Avant de partir en vacances, une amie est venue déposer chez moi trois livres de sa sélection. Trop sympa ! Parmi ceux-ci, figuraient Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur, dont je vous disais beaucoup de bien lors d’une récente chronique et Rien ne s’oppose à la nuit de Delphine de Vigan qui était déjà dans ma bibliothèque et qui attendait le momentum. A priori, on peut dire que cette amie avait cerné mes goûts. Loving Frank de Nancy Horan était le troisième ouvrage de cette sélection et le 4e de couverture était très prometteur. A l’essentiel : l’histoire d’amour en fuite de Frank Lloyd Wright (le « père » du moderniste à Chicago) dans les États-Unis puis l’Europe du début du XXe siècle. Une épopée romanesque sur 576 pages. (J’aime les grosses briques et l’écriture dense)
Très enthousiaste, j’ai toutefois dû me forcer pour les 200 premières pages (quand même !). Je n’aurais pas été en vacances, le roman me serrait certainement hélas tombé des mains. Le début du roman se concentre sur le coup de foudre entre l’architecte et une cliente érudite, Mamah Borthwick (véritable protagoniste de l’histoire). Malheureusement, je suis restée de marbre face à cette passion. Le pouvoir de séduction de Lloyd Wright n’a pas vraiment opéré sur moi et l’héroïne manque un peu de charisme. On ne vibre pas vraiment. Pourtant, à partir du 2e tiers du bouquin, la mayonnaise prend enfin. La tension monte progressivement jusqu’au climax final. On comprend que la relation qui lie ces deux êtres - somme toute exceptionnels (Mamah a une volonté et une intelligence hors du commun) – n’est pas vouée à un accomplissement intellectuel à la Sartre et de Beauvoir, mais incarne plutôt une quête vers la liberté, l'examen personnel, les choix individuels et le féminisme dans une société où la femme reste le socle de la conservation des bonnes mœurs et du modèle patriarcal.
Nancy Horan dépeint avec beaucoup de finesse et d’intelligence les doutes (toujours tellement actuels) et les contre-courants qui constituent la pensée féministe naissante, sans tomber dans le didactisme et le parti pris. C’est également une belle manière de s’initier au Style Prairie et à cette forme moderne d’architecture (je rêve maintenant d’aller à Chicago). Au final, j’ai vraiment beaucoup apprécié cette lecture.
Rien ne s’oppose à la nuit, Delphine de Vigan
Je me suis donc retrouvé cet été avec deux volumes de cet ouvrage. Quand un livre vous fait un tel appel du pied, il est peut-être temps de lui prêter un peu d’attention.
Le sujet est classique : un auteur qui raconte sa mère.
Le genre est multi-forme : enquête journalistique, roman thérapeutique, biographie, récit.
L’écriture est sobre, élégante, prudente, sans fioriture, avec le soucis du mot juste.
Le titre, emprunté à Bashung, résume à lui seul l'atmosphère mélancolique, rock et libre de ce livre.
J’ai beaucoup apprécié la délicatesse de l’auteure, ses doutes, sa pudeur dans l’exhibition. Certains n’aimeront pas la position de « voyeur » qui est imposée au lecteur – De Vigan parle de la santé mentale de sa mère et lève beaucoup de tabous. Les sujets sont lourds et intimes. Je peux comprendre les réfractaires. Je pense personnellement qu’avec son écriture sobre (journalistique) et sans pathos, l’auteure a pu trouver le juste ton. Je pense aussi qu’on gagne toujours à tenter d’approcher les gens, même les morts et les inconnus.
J’ai en prime beaucoup apprécié une certaine vision des trentes glorieuses assez nouvelle pour moi.
La tresse, Laetitia Colombani
La (très) grosse déception ! Tous les ingrédients étaient présents pour une recette réussie : une belle idée, trois destins de femmes, un contexte contemporain, des enjeux qui me touchent. Une critique globalement positive. François Busnel, dont je partage la passion pour la littérature américaine, a même déclaré « n’avoir pas lu un premier roman aussi réussi depuis longtemps ! ».
Seul Yann Moix n’avait pas manqué de dénoncer toutes les faiblesses de ce roman. Pourtant, est-ce dû à une certaine solidarité féminine et au potentiel sympathie de l'auteure ou bien au fait que je n’apprécie pas les procès d’intention (ce n’est pas parce que c’est mauvais mais efficace que qu’un livre est écrit par pur pragmatisme), mais cette critique avait plutôt accru mon intérêt et ma sympathie pour l’auteure. Malheureusement, pour l’essentiel, il avait raison : que de clichés ! Aucune épaisseur, aucune profondeur, des personnages caricaturaux, des métaphores affligeantes (pour décrire une executive woman, l’auteure ose « son cerveau s’allume comme un processeur d’ordinateur »), une construction hyper prévisible, des cliffhangers ridicules en littérature (« le sol se dérobe sous ses pieds »),… Bref seule l’intrigue tient la route, mais c’est sans doute l’élément le moins important – à mes yeux en tout cas – en littérature (à mon sens on n’a pas inventé grand-chose depuis les Grecs) et puis, avec toute la promo dont le livre a bénéficié, autant dire que tout a déjà été dit sur les plateaux.
Et puis on voit en filigrane (je veux dire « au gros marqueur gras »),le message politique porté par l’auteure empreint de féminisme et d’optimisme. A nouveau, on a envie d’y croire, mais les personnages sont si grossièrement peignés, pleins de certitudes (alors que le doute est, ce qui rend –à mon sens toujours – les personnages forts et intéressants) que le message - contemplation béate des « Femmes » et de la mondialisation – me laisse complètement perplexe. Je viens de réécouter la critique de Moix et vraiment il a tout juste (y compris qualifier la défense de Laëtitia Colombani de sexiste !).
Pourtant, tout cela pourrait tout à fait fonctionner au cinéma : un bon comédien peu créer les personnages inconsistants dans le livre, une bonne photographie peut faire oublier les descriptions mièvres du roman. Pour une fois, il vaudra sans doute mieux voir le film qui en sera tiré (le potentiel cinématographique est fort), que lire ce mauvais roman.