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MARIE DAILY

Deco, Kids & co.

Pour une révision de la loi sur les corrections corporelles

Ça ne vous aura peut-être pas échappé, suite à la condamnation de la France par le Conseil de l’Europe concernant la non interdiction formelle dans la loi française des châtiments corporels aux enfant, la question de la fessée agite à nouveau les forums.

Je ne suis pas une spécialiste de l’éducation. Je ne suis qu’une simple maman qui, comme beaucoup d’autres, essaie de faire de son mieux. Comme j’aime beaucoup ce qui touche à la psychologie et à la pédagogie, je lis beaucoup d’ouvrages et de blogs qui traitent d’éducation et je suis évidemment très interpellée par le débat.

Personnellement, en discutant avec d’autres mamans, j’ai parfois été confrontée à ce thème.Il y en a peut-être, mais je ne connais aucun parent qui ne souhaite pas donner la meilleure éducation possible à ses enfants. C'est pourquoi, je n'ai jamais porté un jugement moral sur la manière dont d'autres éduquent leurs enfants. Avec le plus de tact possible, j’ai toujours privilégié le conseil et le dialogue pour tenter d'apporter des nouvelles pistes et peut être apporter un regard neuf à certaines situations. Bien souvent, les parents sont plutôt réceptifs aux conseils quand ils sont donnés sans jugement. C’est pour cela que je suis en partie d’accord avec l’idée qu’il faut surtout convaincre et développer une réflexion sur une autre manière d'éduquer.

Pourtant, je pense qu’il faut corriger la loi.

Pour une révision de la loi sur les corrections corporelles

Évidemment, notre constitution belge (je parle pour la Belgique) protège les enfants contre les abus et les violences. La législation fait cependant une exception pour les corrections corporelles qu'elle ne condamne pas, laissant sous entendre qu'il y aurait deux catégories de coups, les coups "gratuits" et les coups "éducatifs".

Les châtiments corporels sont complètement incompatibles avec l'idée que je me fais de l'éducation et de l'image de moi-même et de la famille que je veux donner à mon enfant. J'ai eu la chance d'être éduquée dans cet esprit. Bref, moralement, l'éducation par la force ne fait pas partie de mes valeurs. Ceci dit, je suis pragmatique et, dans l'hypothèse où les corrections corporelles étaient effectivement éducatives, je ne m'y opposerais pas forcément (sans pour autant les adopter), un peu comme un piqûre peut être un mal nécessaire.

Pour une révision de la loi sur les corrections corporelles

Or, la fessée n’a rien d’éducatif. Toute loi sous-entendant que la fessée est éducative doit être changée. Un pédopsychiatre ne devrait plus laisser entendre « qu’une bonne fessée de temps en temps remet les idées en place » comme on l’entend encore souvent. Simplement parce que c’est FAUX. Il n'y a qu'une catégorie de coups et aucun coup de peut être autorisé.

Si la fessée avait une rôle éducatif, les délinquants seraient ceux qui n’auraient jamais reçus de fessées pour apprendre « les limites » et à contrario, toutes les personnes épanouies, civiques et bienveillantes seraient les personnes qui auraient reçu « de temps en temps » (notez que la loi ne définit aucune fréquence, ça peut donc être tous les jours) une bonne raclée. C’est évidemment une démonstration par l’absurde. J’ai tout de même envie de vous donner quelques arguments plus solides.

Voici quelques arguments :

  • Pour défendre la fessée, on revient souvent aux théories comportementales. L’idée de base est que l’on peut influencer sur le comportement d’un sujet (un rat initialement) en lui administrant des stimuli positifs s’il adopte le comportement désiré (récompenses) et en lui administrant des stimuli négatifs (punitions) s’il ne l’adopte pas. L’expérience démontre qu’un stimulus négatif (une décharge électrique) répétitif peut effectivement modifier le comportement du sujet. Pourtant, les auteurs reconnaissent que le sujet va surtout éviter les conséquences négatives. Pour cela, il peut « deviner » quel est le comportement qu’on attend de lui et l’adopter, mais il peut tout aussi bien développer des nouvelles compétences pour tricher, être plus habile et plus discret et ainsi conserver le comportement indésirable en évitant les conséquences négatives. En matière d’éducation, on peut s’interroger sur la pertinence de ce schéma.
  • L’enfant n’a pas besoin de fessée pour connaître « les limites » (ces fameuses limites !). En général, si on leur explique de manière « positive » (= les jeunes enfants ne comprennent pas le « non » et le « ne …pas »), ils les connaissent très bien. Un enfant sait qu’il ne peut pas frapper son frère (ou plutôt, dit de manière positive, « qu’il doit être doux avec lui » et « partager »). Un enfant sait qu’il ne peut pas casser un verre ni jeter de la nourriture par terre. Si l’enfant « pousse les limites », c’est qu’il fait face à un « trop plein émotionnel » qu’il n’arrive pas à gérer : il veut ce jouet très fort, mais n’arrive pas à se raisonner (dans deux minutes son frère ne s’y intéressera plus) et à convaincre son frère de partager. Une fessée lui confirmera peut-être (OU PAS, vu l’aspect très contradictoire de cette « mesure éducative ») qu’il ne doit pas frapper son frère (= limite), mais ne lui donnera nullement les moyens de faire face à une future frustration (gestion des émotions, communication), ce qui est pourtant le rôle de l’éducation. L’enfant n’est nullement aidé à gérer ses émotions, il a seulement trois alternatives : soit refreiner ses émotions (être frustré), soit subir les conséquences négatives de son comportement (fessée), soit être sournois et frapper son frère en cachette (voir supra).
  • C’est quand un enfant est le moins aimable qu’il a le plus besoin d’amour. N’oublions pas qu’un enfant est un petit être émotionnellement très immature. Par ailleurs, un enfant n’a normalement pas les mêmes compétences discursives qu’un adulte pour verbaliser ses émotions. Si un enfant est difficile en fin de journée, ou après un WE passé chez des amis, c’est probablement qu’il a besoin de sécurité affective. L’enfant est fatigué, il a dû faire face à des petites ou grosses contrariétés toute la journée (et l’enfant sait qu’il ne peut pas s’éprendre émotionnellement en classe ou chez ses amis) et, de retour à la maison, il a besoin d’exprimer son « trop plein ». Son système nerveux est vraisemblablement épuisé. L’enfant n’a pas besoin de fessée ni de cris. L’enfant a besoin d’un câlin, d’une parole réconfortante, d’un moment empathie, d’une oreille attentive, d’un moment de repos pour « recharger son réservoir émotionnel d’émotions positives ».

J’ai un jour donné une fessée à Bambou. Elle devait avoir un peu moins de trois ans ( !!). Je le dis tout de suite (pour ceux qui voudraient minimiser la chose) : elle n’avait pas de couche et je n’ai pas du tout mesuré ma force. C’était en fin de journée. J’étais fatiguée, Bambou aussi. Elle a voulu une tartine de confiture. Je la lui ai faite (sans doute avec exaspération). Elle ne la voulait finalement pas. J’ai insisté. Elle a jeté la tartine par terre et a marché dessus. Mon sang n’a fait qu’un tour et ma main est partie toute seule.

Si je précise que j'étais fatiguée, ce n'est pas pour me trouver des excuses, c'est pour démontrer que je fais partie du problème. A un autre moment, face à ce même comportement, je n'aurais sans doute pas réagit de la même manière. Cela prouve d'une part que les fameuses "limites" sont mobiles (doit-on attendre d'un enfant qu'il soit suffisament psychologue pour savoir où elles se situent) et, d'autre part, que nos réactions sont tributaires de notre état physique et psychique. Si je ne perçois pas mon propre état nerveux et si je ne prend pas les mesures nécessaire pour m'éviter une sur-réaction, comment puis-je espérer que mon enfant de 2 ans soit lui, capable d'analyser que ce qui le rend nerveux c'est la faim et la fatigue!

Mon geste était-il éducatif ? Evidemment non.

  • Bambou savait très bien qu’elle ne pouvait pas jeter sa tartine par terre, je ne le lui ai donc pas appris par cette fessée ;
  • Le seul enseignement qu’elle a pu retirer (et je m’applique désormais tous les jours à l’effacer) c’est que lorsqu’elle est fatiguée, épuisée, qu’elle a faim et qu’elle est perdue émotionnellement et qu’elle ne sait pas ce qu’elle veut, sa maman n’est pas là pour l’aider, l’écouter ou lui faire un câlin : sa maman lui dit qu’elle n’a pas le droit de ressentir tout cela et lui donne une fessée !

Mon rôle éducatif était de la prendre dans mes bras, de l’apaiser, de lui parler tout bas. Mon rôle était de m’isoler avec elle, de lui prêter un peu d’attention. J’aurais pu mettre la tartine de côté. J’aurais pu arrêter de ranger la cuisine et lui proposer de lire une petite histoire avec elle. Lorsque son réservoir affectif aurait été à nouveau rempli, je lui aurais proposé un yoghourt ou un peu de pain. Je lui aurais alors expliqué qu’on a le droit de ne pas vouloir manger, mais qu’on ne peut pas jeter la nourriture par terre. Je lui aurais expliqué que moi aussi je suis fatiguée et que je n’aime pas qu’on me demande de faire quelque chose pour tout casser après.

C’est heureusement le seul exemple personnel que je peux vous donner. Néanmoins, c’est une fois de trop et je refuse qu’il y ait une loi qui m’autorise à faire ce que j’ai fait. S’il existe encore des pédopsychiatres (mais heureusement ils sont désavoués par beaucoup de leurs pairs) pour dire que la fessée est éducative, je souhaite qu’il y ai une loi pour rappeler que ce n’est pas tolérable et que c’est même condamnable.

Le but de changer la loi n'est pas de mettre des milliers de parents derrière des barreaux. Cette modification est nécessaire pour :

- Mettre fin, définitivement à l'idée encore partagée socialement et parfois même par certains pédo-psychiatres, que la fessée est éducative ;

- Développer et diffuser enfin des méthodes éducatives bienveillantes et non violentes.

Evidemment cela doit se faire au travers de campagnes d'information. Evidemment il faut mieux outiller les parents.

Ce n'est ni rendre service aux parents, ni les défendre, que de dire que la fessée a sa place dans l'éducation. Des parents qui consultent un pédo-psychiatre ne viennent pas pour entendre ce genre de sornettes. Ils viennent parce qu'ils ont besoin d'aide et d'appui et il existe de merveilleuses méthodes bienveillantes efficaces et accessibles.

Nous vivons dans un monde violent dans lequel les enfants  (et les adultes) n'ont aucun outil pour apprendre à écouter et gérer leurs émotions. Oui, la plupart des enfants ne meurent pas d'une fessée (heureusement!), mais quand nous regardons le monde dans lequel on évolue, n'a-t-on pas envie de changer ENFIN de paradigme?

Cela me paraît la première prioriété vous ne trouvez pas?

 

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V
J'ai personnellement été battue par mon père durant mon enfance, sur le visage, des coups de poing, coups de pieds, la totale ! La fessée, je ne l'ai eu qu'une seule fois, et c'était la plus douce des corrections...En fait, pour moi c'était rien? Je pense que comme j'ai connu "le pire",je ne me sens pas touché par ces histoires de "fessées de temps en temps", à vrai dire, je me rappelle étant petite avoir pensé " ça c'est des familles normales..." (un débat passait à la télé et mon père disait "aucun connard ne va me dire comment je dois éduquer mes enfants". Moi j'aurais bien aimé, à l'époque, faire partie de ces enfants qui recevaient quelques petites tapes sur les fesses quand ils faisaient une bêtise, après leurs parents les câlinaient et ça passait. Donc je suis confuse, je pense toutefois que la loi devrait interdire tout coup sur les enfants, même si nous finissons quand même par craquer et donner une fessée..."de temps en temps" (de temps en rarement je dirais, ce n'est agréable ni pour l'enfant ni pour le parent, mais que celui qui ne l'a jamais fait jette la première pierre ;) )
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M
Victoria, <br /> <br /> Merci pour votre témoignage et pour avoir pris le temps de laisser un commentaire.<br /> <br /> Je comprends bien votre réaction. Le but n’est évidemment pas d’assimiler la fessée à une maltraitance type coups et blessures. L’idée n’est pas de pénaliser (code pénal) la fessée. Le code pénal est déjà bien complet. Mais de ne plus l’autoriser dans le code civil.<br /> <br /> Les cas de maltraitance poursuivis (pénal) font toujours l’objet d’enquête qui évaluent un ensemble de faits (circonstances aggravantes par exemple). Il est évident qu’une fessée isolée n’est pas la même chose que des maltraitances physiques ou traitements dégradants répétés. De même que l’acte n’aura pas la même porté sur un enfant avec un handicap par exemple. C’est l’enquête qui permet de déterminer cela. <br /> <br /> Si cette loi ( = non distinction dans le code civil) pouvait conscientiser avant tout les professionnels de la santé ce serait super. Les conséquences psychologiques de la fessée sont connus (augmentation de l’hormone de stress notamment) pourtant peut de parents sont vraiment au courant (il n’y a qu’à voir le nombre de personne qui disent que c’est inoffensif). Pour moi, il y a avant tout une responsabilité des services de santé.
L
Une loi non applicable ne sert à rien... Il est interdit de frapper son conjoint. Elles en pense quoi les femnes battues ?
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M
Je ne comprends pas du tout votre propos. On ne peut ni voler ni tuer, ça n'empêche effectivement pas les vols et les meurtres mais dire que la loi ne sert à rien serait absurde!<br /> <br /> La législation pour protéger les femmes est indispensable - comment peut on remettre cela en cause????? - (même s'il existe encore des cas de maltraitance). Les femmes sont protégées civilement (divorces, séparation, dommages et intérêts) et pénalement (des sanctions pénales existent). Si parfois les moyens manquent pour faire valoir leurs droits ce n'est pas un problème légal!!!!<br /> <br /> Pour revenir au sujet, en Belgique (mais je pense en France c'est pareil), il s'agit de modifier le code civil. En réalité : supprimer l'exception des corrections en famille dans le code civil. La maltraitance (avec ses différents degrés) est traitée dans le code pénal. Le code civil ne définit ni sanction ni peine mais définit des responsabilités.
B
que de pertinence dans cet article je pense depuis si longtemps que la fessée est totalement inutile, il faudrait éduquer avant tout les parents .. légiférer en est presque absurde sur ce sujet
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