Deco, Kids & co.
4 Mars 2015
Ça ne vous aura peut-être pas échappé, suite à la condamnation de la France par le Conseil de l’Europe concernant la non interdiction formelle dans la loi française des châtiments corporels aux enfant, la question de la fessée agite à nouveau les forums.
Je ne suis pas une spécialiste de l’éducation. Je ne suis qu’une simple maman qui, comme beaucoup d’autres, essaie de faire de son mieux. Comme j’aime beaucoup ce qui touche à la psychologie et à la pédagogie, je lis beaucoup d’ouvrages et de blogs qui traitent d’éducation et je suis évidemment très interpellée par le débat.
Personnellement, en discutant avec d’autres mamans, j’ai parfois été confrontée à ce thème.Il y en a peut-être, mais je ne connais aucun parent qui ne souhaite pas donner la meilleure éducation possible à ses enfants. C'est pourquoi, je n'ai jamais porté un jugement moral sur la manière dont d'autres éduquent leurs enfants. Avec le plus de tact possible, j’ai toujours privilégié le conseil et le dialogue pour tenter d'apporter des nouvelles pistes et peut être apporter un regard neuf à certaines situations. Bien souvent, les parents sont plutôt réceptifs aux conseils quand ils sont donnés sans jugement. C’est pour cela que je suis en partie d’accord avec l’idée qu’il faut surtout convaincre et développer une réflexion sur une autre manière d'éduquer.
Pourtant, je pense qu’il faut corriger la loi.
Évidemment, notre constitution belge (je parle pour la Belgique) protège les enfants contre les abus et les violences. La législation fait cependant une exception pour les corrections corporelles qu'elle ne condamne pas, laissant sous entendre qu'il y aurait deux catégories de coups, les coups "gratuits" et les coups "éducatifs".
Les châtiments corporels sont complètement incompatibles avec l'idée que je me fais de l'éducation et de l'image de moi-même et de la famille que je veux donner à mon enfant. J'ai eu la chance d'être éduquée dans cet esprit. Bref, moralement, l'éducation par la force ne fait pas partie de mes valeurs. Ceci dit, je suis pragmatique et, dans l'hypothèse où les corrections corporelles étaient effectivement éducatives, je ne m'y opposerais pas forcément (sans pour autant les adopter), un peu comme un piqûre peut être un mal nécessaire.
Or, la fessée n’a rien d’éducatif. Toute loi sous-entendant que la fessée est éducative doit être changée. Un pédopsychiatre ne devrait plus laisser entendre « qu’une bonne fessée de temps en temps remet les idées en place » comme on l’entend encore souvent. Simplement parce que c’est FAUX. Il n'y a qu'une catégorie de coups et aucun coup de peut être autorisé.
Si la fessée avait une rôle éducatif, les délinquants seraient ceux qui n’auraient jamais reçus de fessées pour apprendre « les limites » et à contrario, toutes les personnes épanouies, civiques et bienveillantes seraient les personnes qui auraient reçu « de temps en temps » (notez que la loi ne définit aucune fréquence, ça peut donc être tous les jours) une bonne raclée. C’est évidemment une démonstration par l’absurde. J’ai tout de même envie de vous donner quelques arguments plus solides.
Voici quelques arguments :
J’ai un jour donné une fessée à Bambou. Elle devait avoir un peu moins de trois ans ( !!). Je le dis tout de suite (pour ceux qui voudraient minimiser la chose) : elle n’avait pas de couche et je n’ai pas du tout mesuré ma force. C’était en fin de journée. J’étais fatiguée, Bambou aussi. Elle a voulu une tartine de confiture. Je la lui ai faite (sans doute avec exaspération). Elle ne la voulait finalement pas. J’ai insisté. Elle a jeté la tartine par terre et a marché dessus. Mon sang n’a fait qu’un tour et ma main est partie toute seule.
Si je précise que j'étais fatiguée, ce n'est pas pour me trouver des excuses, c'est pour démontrer que je fais partie du problème. A un autre moment, face à ce même comportement, je n'aurais sans doute pas réagit de la même manière. Cela prouve d'une part que les fameuses "limites" sont mobiles (doit-on attendre d'un enfant qu'il soit suffisament psychologue pour savoir où elles se situent) et, d'autre part, que nos réactions sont tributaires de notre état physique et psychique. Si je ne perçois pas mon propre état nerveux et si je ne prend pas les mesures nécessaire pour m'éviter une sur-réaction, comment puis-je espérer que mon enfant de 2 ans soit lui, capable d'analyser que ce qui le rend nerveux c'est la faim et la fatigue!
Mon geste était-il éducatif ? Evidemment non.
Mon rôle éducatif était de la prendre dans mes bras, de l’apaiser, de lui parler tout bas. Mon rôle était de m’isoler avec elle, de lui prêter un peu d’attention. J’aurais pu mettre la tartine de côté. J’aurais pu arrêter de ranger la cuisine et lui proposer de lire une petite histoire avec elle. Lorsque son réservoir affectif aurait été à nouveau rempli, je lui aurais proposé un yoghourt ou un peu de pain. Je lui aurais alors expliqué qu’on a le droit de ne pas vouloir manger, mais qu’on ne peut pas jeter la nourriture par terre. Je lui aurais expliqué que moi aussi je suis fatiguée et que je n’aime pas qu’on me demande de faire quelque chose pour tout casser après.
C’est heureusement le seul exemple personnel que je peux vous donner. Néanmoins, c’est une fois de trop et je refuse qu’il y ait une loi qui m’autorise à faire ce que j’ai fait. S’il existe encore des pédopsychiatres (mais heureusement ils sont désavoués par beaucoup de leurs pairs) pour dire que la fessée est éducative, je souhaite qu’il y ai une loi pour rappeler que ce n’est pas tolérable et que c’est même condamnable.
Le but de changer la loi n'est pas de mettre des milliers de parents derrière des barreaux. Cette modification est nécessaire pour :
- Mettre fin, définitivement à l'idée encore partagée socialement et parfois même par certains pédo-psychiatres, que la fessée est éducative ;
- Développer et diffuser enfin des méthodes éducatives bienveillantes et non violentes.
Evidemment cela doit se faire au travers de campagnes d'information. Evidemment il faut mieux outiller les parents.
Ce n'est ni rendre service aux parents, ni les défendre, que de dire que la fessée a sa place dans l'éducation. Des parents qui consultent un pédo-psychiatre ne viennent pas pour entendre ce genre de sornettes. Ils viennent parce qu'ils ont besoin d'aide et d'appui et il existe de merveilleuses méthodes bienveillantes efficaces et accessibles.
Nous vivons dans un monde violent dans lequel les enfants (et les adultes) n'ont aucun outil pour apprendre à écouter et gérer leurs émotions. Oui, la plupart des enfants ne meurent pas d'une fessée (heureusement!), mais quand nous regardons le monde dans lequel on évolue, n'a-t-on pas envie de changer ENFIN de paradigme?
Cela me paraît la première prioriété vous ne trouvez pas?