23 Juillet 2017
Regarder Bambou s’amuser dans le jardin. L'observer courir, grimper, danser, rouler à vélo, s’éclabousser, se balancer, rebondir, faire la roue, glisser, se rouler dans l’herbe… et la voir tomber d’une saine fatigue le soir.
Je suis fascinée par ce plaisir pur et spontané qu’on les enfants à profiter des capacités de leur corps, à le pousser dans certaines limites et acquérir de nouvelles connaissances motrices.
Je suis fascinée et puis inquiète.
A partir de quand ai-je perdu ce plaisir qui semble universel à tous les enfants. A partir de quand me suis défiée de mon corps ? A quel âge cette enveloppe est-elle devenue parfois encombrante ? Quand mon corps et moi sommes devenus ennemis ? Je parle ici de moi, mais en discutant avec des amies, il semble qu’il soit à chacune difficile de se souvenir de l’époque à laquelle se mettre en maillot de bain, mettre un short ou faire la roue n'était pas synonyme d'appréhension.
Avec l’âge, grâce au regard bienveillant de mon amoureux qui ne semble pas exiger de moi des mensurations exceptionnelles, parce que je suis la plus belle aux yeux de ma fille et depuis que ce corps a permis mon plus grand bonheur (elle), j’ai appris à l’aimer et à l’apprivoiser. J’aime en prendre soin. Pas par devoir et par pression sociale, mais parce ça me rend plus heureuse et en meilleure forme.
Tout de même, en observant Bambou, je suis inquiète.
Perdra-t-elle elle aussi cette innocence ? Cette unicité avec son corps ? Comment éviter ?
L’industrie de la mode et ses canons de beauté est souvent pointée du doigt dès qu’on parle du mal-être (manifestement généralisé) des femmes à aimer leur corps.
Certaines campagnes publicitaires, souvent esthétiquement très réussies, ont choisi de montrer des formes plus variées (âge, complexions) de la beauté (ici une très belle campagne, parmi les plus récentes). J’aime bien cette approche. Je suis en revanche moins à l’aise quand le discours enjoint « Sentez-vous belle car toutes les femmes sont belles ». D’abord c’est faux. Toutes les femmes ne sont pas belles. Ni en dehors, ni en dedans. Il existe des vraies moches. Prétendre le contraire fait insulte à l’intelligence et à la lucidité des femmes. Ensuite, ce n’est pas grave. (Lire cette opinion sur la pub Dove et celle-ci).
Parce qu’il n’est pas nécessaire de se trouver beau pour s’aimer, pour être aimé et pour être aimable ! Laissons aux mannequins cette obligation d’être beau!
C’est dans ce sens que j’aime la philosophie du livre « Strong is the new pretty », de la photographe Kate T. Parker qui reprend les images d’une collection représentant des petites filles « allowed to be wild ».
Dans une interview a CNN Kate T. Parker dit ceci : « Je photographiais tous les jours mes filles, Ella (11 ans) et Alice (8 ans). J’ai remarqué que les images les plus fortes et les plus signifiantes étaient celles où les filles étaient elles-mêmes, quelque soit le moment : sales, fougueuses, sottes, culottées, fâchées, drôles, fortes et bruyantes. Elles ne posaient pas d’une certaine manière et ne souriaient pas pour la caméra et coiffaient leur cheveux pour être belles ».
J’aime l’idée d’être fier de son corps pour ce qu’il permet d’accomplir, en particulier dans les passions, la construction de soi et les hobbys et le plaisir.
Je pense que notre discours est important, mais e me pose beaucoup de questions à ce sujet. Qu'en pensez-vous?
Je vous conseille aussi ces lectures/réflexions de mamans très inspirantes sur le même sujet :
Je pose ici un très beau texte de Julos Beaucarne, qui exprime cela si bien :
"Je voulais te présenter mon corps"
Je voulais te présenter mon corps
Mes mains de bourlingueur, mes mains fidèles
Qui m'ont permis d'écrire, de caresser, de tendre la main, d'être tendre
Je voulais te présenter mon ventre
Je voulais te présenter tous mes membres
Tous les membres de ma corporation corporelle
Je voulais te présenter mon groupe sanguin A
Qui m'accompagne fidèlement, qui jour avec moi la partition de ma vie
Je voulais te présenter mon oreille droit qui a vingt ans depuis quatante ans
Et mon oreille gauche qui a exactement le même âge
Il n'y a pas de hasard
Je voulais te présenter la sculpture mouvante que je suis
Toujours en train de me sculpter, de me modeler, de me construire plus loin
Je voulais que tu me voies marcher
Je voulais te présenter le miracle de la plante de mes pieds
Le miracle de mes yeux capables de rire et de faire des larmes
Je voulais te présenter la vie qui monte en moi comme une sève
Je voulais te présenter mes lèvres qui ont délivré tant de baisers
Je voulais te présenter ma bouche
Je voulais te présenter ma langue qui me permet de te présenter mon corps
De le détailler encore et encore
Oui, je voulais te présenter ma langue, ma fidèle petite parleuse
Qui, à force de remuer, exprime du mieux qu'elle peut ce que veut dire mon esprit
Oui, c'est cela, je voulais te présenter mon esprit.
Et en fin finale, je voulais t'offrir une des créations les plus subtiles de mon corps
Comme qui dirait, la fleur de moi-même, l'or
Je voulais t'offrir... un sourire.